OPUS-H2
Notre siècle est marqué par une course contre la montre pour limiter le réchauffement climatique à 1.5 °C au-dessus des niveaux préindustriels, comme convenu dans l’Accord de Paris par 192 Parties en décembre 2015 [1]. Dans ce contexte, les technologies utilisant de l’hydrogène décarboné sont devenues une priorité nationale pour de nombreux pays [2, 3]. En tant qu’innovations de rupture, elles promettent de décarboner les secteurs les plus énergivores (industrie, transports, stockage d’énergie) et de limiter les coûts réels (environnementaux, climatiques, sanitaires) de la chaîne de valeur de l’énergie, de la conversion aux usages [4]. En particulier, elles jouent un rôle crucial dans la décarbonation des industries d’acier et d’engrais, dans l’électrification des transports lourds, et dans le stockage de l’électricité provenant d’énergies renouvelables (EnR) intermittentes ou saisonnières [5]. Notamment, à l’échelle de réseaux non interconnectés comme ceux présents sur les territoires insulaires, l’hybridation d’unités de conversion multi sources repose sur le déploiement de systèmes de stockage, à la fois pour découpler la production et la demande d’énergie de la disponibilité des EnR locales, et pour gérer la complémentarité des ressources variables et flexibles. Le stockage d’énergie sous forme d’hydrogène, puis sa reconversion stationnaire en électricité, permettent de pallier l’intermittence des EnR variables en optimisant la capacité de production électrique.
Actuellement, la pile à combustible à membrane échangeuse de protons (PEMFC) est la technologie la plus largement adoptée dans le domaine des piles à combustible [6]. Néanmoins, elle rencontre des obstacles technologiques qui doivent être surmontés pour une commercialisation à grande échelle, tels que de faibles densités de puissance, des coûts élevés et une durée de vie limitée [7]. En particulier, les régimes transitoires induits par la variabilité des EnR sont à l’origine de problématiques en termes de performances, de fiabilité et de durabilité des systèmes H2 : dégradations et vieillissement prématuré des cellules, ou occurrence de défauts (gestion de l’eau, corrosion, …). Afin d’y remédier, les institutions du monde se sont données plusieurs objectifs de développement des PEMFC. Concernant l’amélioration des densités de puissance et de courant, l’Union Européenne cherche à atteindre 1,2 W.cm−2 @ 0,675 V d’ici 2030 [8], tandis que le Japon vise 6 kW.l−1 et 3.8 A.cm−2 pour la même année [7]. Pour les coûts, l’Union Européenne cible un prix inférieur à 50€/kW en 2030 pour les piles à combustible des véhicules lourds [8]. Enfin, concernant leur durée de vie, l’Union Européenne souhaite atteindre 30 000h de fonctionnement pour les bus hydrogène en 2030 [8].
La modélisation numérique des piles à combustible permet de contribuer à ces objectifs de développement. En effet, les modèles fournissent des informations sur les états internes des piles que les capteurs traditionnels ne peuvent pas capturer, car il est impossible de les placer directement dans les cellules de piles en raison de leur très faible épaisseur. Avec ces informations précises, le diagnostic des PEMFC peut être amélioré [9, 10]. Il devient ainsi possible de contrôler plus efficacement les piles à combustible en temps réel en ajustant leurs conditions opératoires, comme la pression, la température, l’humidité et le débit des gaz entrant, ce qui peut permettre d’améliorer leurs performances, d’éviter les défauts tels que le noyage des cellules, et réduire leur dégradation.
Le projet OPUS-H2: « Optimisation des Performances et de la dUrabilité des Systèmes Hydrogène à partir d’un jumeau numérique avancé », porté par le Pr. Michel Benne et s’étendant de mai 2025 à mai 2027, a pour objectif principal de contribuer de manière significative au développement de modèles numériques des piles à combustible PEM pour améliorer leurs performances et leur durabilité, ainsi que de développer des compétences expérimentales auprès du partenaire européen ZSW, déjà bien ancré dans le domaine d’étude, pour les ramener sur le territoire réunionnais. Le partage des connaissances et des compétences croisées à l’échelle de ce partenariat permettront d’encourager l’innovation et la recherche.
Le projet OPUS-H2 est financé par l’Union Européenne à hauteur de 136 060,78€ dans le cadre du programme FEDER-FSE+ Réunion dont l’Autorité de gestion est la Région Réunion. L’Europe s’engage à La Réunion avec le fonds FEDER. La Région Réunion complète ce financement par une contrepartie nationale de 24 010,72€.
Sources:
[1] The Paris Agreement, United Nations 2015 (https://unfccc.int/documents/9064)
[2] The Future of Hydrogen. Seizing Todayʼs Opportunities, IEA 2019 (https://www.iea.org/reports/the-future-of-hydrogen)
[3] Y. Wang et al. 2011 (10.1016/j.apenergy.2010.09.030)
[4] Panchenko et al. 2023 (10.1016/j.ijhydene.2022.10.084)
[5] Stratégie Nationale Pour Le Développement de l’hydrogène Décarboné En France, Gouvernement français, Dossier de Presse 2020 (https://www.economie.gouv.fr/presentation-strategie-nationale-developpement-hydrogene-decarbone-france)
[6] A. Dicks et al. 2018 (ISBN 978-1-118-70697-8 978-1-118-61352-8)
[7] K. Jiao et al. 2021 (10.1038/s41586-021-03482-7)
[8] Clean Hydrogen Joint Undertaking. Strategic Research and Innovation Agenda 2021 – 2027 (https://www.clean-hydrogen.europa.eu/about-us/key-documents/strategic-research-and-innovation-agenda_en)
[9] Fei Gao et al 2010 (10.1109/TIE.2009.2021177)
[10] J. Luna et al 2016 (10.1016/j.jpowsour.2016.08.019)
Ce projet se base sur les travaux de thèse de Raphaël Gass qui ont abouti au développement d’un modèle physique 1D dynamique d’une cellule PEM avec auxiliaires, nommé AlphaPEM, constituant une brique de jumeau numérique de pile à combustible. À partir de cette brique, une stratégie de contrôle de l’humidité entrante permettant théoriquement une augmentation de 60 % de la puissance de la cellule ou de 15 % de son efficacité a été formulée.
Le projet OPUS-H2 poursuit ces travaux à travers cinq objectifs spécifiques :
- Développement du jumeau numérique et de la stratégie de contrôle de l’humidité entrante en ajoutant de nouvelles fonctionnalités à AlphaPEM.
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Le premier objectif est d’augmenter la précision du modèle AlphaPEM en lui permettant de simuler plus de phénomènes physiques. Six tâches sont mises en œuvre pour atteindre cet objectif :
- approfondissement du modèle simulant la courbe EIS,
- ajout d’un modèle pour décrire les phénomènes thermiques à AlphaPEM,
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ajout de la couche microporeuse (MPL) au sein de la modélisation d’une cellule PEM,
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usage de meilleurs outils de contrôle des auxiliaires,
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augmentation de la dimension spatiale du modèle caractérisant chaque cellule à la 1D+1D,
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caractérisation précise de plusieurs cellules formant un stack.
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Le deuxième objectif consiste à perfectionner la stratégie de contrôle de l’humidité entrante développée pendant les travaux précédents.Trois tâches sont mises en œuvre pour atteindre cet objectif :
- usage de meilleurs outils de contrôle des conditions opératoires,
- approfondissement de la théorie portant sur la quantité d’eau liquide limite slim, créée lors des précédents travaux, et qui établit un lien entre la chute de tension à hautes densités de courant, la quantité d’eau liquide dans la pile, et ses conditions opératoires,
- approfondissement de la stratégie de contrôle de l’humidité entrante à partir de l’ensemble des résultats de cette action.
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- Conduite d’expériences sur des bancs de tests pour consolider la validation d’AlphaPEM et vérifier les gains en performances obtenus par simulations.
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L’objectif est d’effectuer des essais expérimentaux sur le matériel du partenaire européen afin de valider les améliorations apportées à AlphaPEM ainsi que la stratégie de contrôle de l’humidité entrante proposée. Trois tâches sont mises en œuvre pour atteindre cet objectif :
- production de courbes de polarisation et EIS à différentes conditions opératoires fixées sur des stacks proches du mono-cellule,
- production de courbes de polarisation et EIS à différentes conditions opératoires contrôlées par le modèle sur des stacks proches du mono-cellule,
- répétition des essais sur des stacks d’une centaine de cellules.
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- Intégration au jumeau numérique de modèles permettant d’estimer l’état de dégradation des cellules et la durée de vie restante du système.
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L’objectif est de permettre à AlphaPEM de considérer l’état de dégradation actuel d’une pile expérimentale afin d’intégrer cet impact dans les résultats proposés. Deux tâches sont mises en œuvre pour atteindre l’objectif :
- intégration d’un modèle permettant d’estimer la dégradation de la surface électrochimique (ECSA) de la couche catalytique à AlphaPEM,
- intégration d’un modèle calculant la durée de vie restante du système (RUL).
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- Création de stratégies de contrôle basées sur le modèle pour le maintien de performances optimales et la réduction des dégradations le long de la vie de la pile.
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L’objectif est de mettre en application la théorie produite durant l’action 3 afin de créer une stratégie de contrôle des conditions opératoires permettant de conserver des performances maximales et de réduire les dégradations futures sur une piles usagée. Deux tâches sont mises en œuvre pour atteindre cet objectif :
- production d’une stratégie de contrôle sur les conditions opératoires, basée sur AlphaPEM, permettant de maintenir les performances maximales d’une pile usagée à tous instants de sa vie,
- production d’une stratégie de contrôle sur les conditions opératoires, basée sur AlphaPEM, permettant de minimiser la dégradation future d’une pile usagée à tous instants de sa vie.
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- Conduite d’expériences de dégradations accélérées sur des bancs d’essais (mono-cellules et stacks) pour valider les ajouts faits au jumeau numérique ainsi que les stratégies de contrôle formulées.
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L’objectif est d’effectuer des expériences sur les bancs d’essais du partenaire européen afin de valider les propositions faites dans les parties 4 et 5. Trois tâches sont mises en œuvre pour atteindre l’objectif :
- réalisation d’expériences de dégradation accélérée sans modifications des conditions opératoires sur des stacks proches du mono-cellule,
- réalisation d’expériences de dégradation accélérée avec stratégie de contrôle des conditions opératoires sur des stacks proches du mono-cellule,
- répétition des essais sur des stacks d’une centaine de cellules.
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Le projet OPUS-H2 : « Optimisation des Performances et de la dUrabilité des Systèmes Hydrogène à partir d’un jumeau numérique avancé » a l’ambition de favoriser le développement durable des systèmes hydrogène et la transition énergétique vers une économie bas-carbone pour renforcer la sécurité énergétique des territoires tout en réduisant leur dépendance vis-à-vis de ressources énergétiques importées. Le partage des connaissances et des compétences croisées à l’échelle de l’Union Européenne, dans le cadre du réseau, et la combinaison des initiatives territoriales permettront d’encourager l’innovation et la recherche dans le domaine. Les résultats du projet (jumeau numérique et stratégies de contrôle en accès libres) bénéficieront à tous les acteurs de la transition énergétique (instituts de recherche, industriels, acteurs économiques…).
Sur le plan scientifique, le projet permettra tout d’abord d’offrir à la communauté scientifique un simulateur open-source de pile à combustible, spécialisé pour un usage en contrôle-commande, tel qu’il n’en existe pas d’aussi avancé dans la littérature. Ensuite, le projet permettra de renforcer la compréhension du lien existant entre la chute en tension à hauts courants, la quantité d’eau liquide dans la pile et les conditions opératoires, à travers des développements théoriques et des essais expérimentaux. Suite à cela, des stratégies de contrôle permettant d’améliorer les performances de la pile à combustible seront testées expérimentalement. Par ailleurs, le projet ajoutera au simulateur et testera expérimentalement la physique de dégradation des cellules afin d’obtenir un modèle prenant en compte le vieillissement de la pile. Des stratégies de contrôle permettant d’améliorer la durée de vie des piles en découleront et seront testées expérimentalement. Enfin, le projet permettra au candidat d’obtenir des compétences techniques sur des bancs d’essais hydrogène modernes du partenaire européen, afin qu’il puisse les ramener sur le territoire réunionnais.
Partenaires financiers
Le projet OPUS-H2 est financé par l’Union Européenne dans le cadre du programme FEDER-FSE+ Réunion dont l’Autorité de gestion est la Région Réunion. L’Europe s’engage à La Réunion avec le fonds FEDER.
Partenaires académiques
Le projet OPUS-H2 vise à connecter durablement La Réunion dans l’écosystème de recherche européen en favorisant l’interopérabilité et la collaboration. Son objectif principal consiste à établir des liens solides pour intégrer pleinement l’île dans le réseau européen. Pour cela, une nouvelle coopération avec le centre de recherche ZSW (Centre de recherche sur l’énergie solaire et l’hydrogène du Bade-Wurtemberg) à Ulm en Allemagne a été créée. Ce laboratoire est l’un des plus importants de l’Union Européenne concernant la modélisation de piles à combustible et leur expérimentation sur bancs d’essais.
- Coordinateur du projet:
- Responsable Scientifique pour Energy-Lab:
- Professeurs associés au projet à Energy-Lab: